A Fortuitous Meeting ... [PV Aurore]

Le Soleil brillait haut dans le ciel en ce début d’après-midi, les températures chaudes et clémentes. Un changement radical avec le climat versatile des côtes Noldanes. Pourtant, contrairement à la météo, l’humeur d’Allyster n’était pas au beau fixe. Selon ses prévisions, le détachement royal aurait dû se trouver en vue des arbres de la forêt elfe à cette heure-ci, en attente d’un éclaireur sylvestre pour les guider auprès de la famille royale. Or, ils étaient encore en train de progresser en Ysingwen, se protégeant de l’ardeur des rayons. Le Prince avait organisé le voyage de telle sorte qu’ils arrivent en fin d’après-midi au plus tard, pour pouvoir repartir tôt le lendemain.
Mais ce n’était pas tant le fait que ses plans ne déroulent pas comme il l’avait souhaité qui irritait Allyster, mais le retard qu’ils avaient accumulé à cause de détails et d’un manque de coordination. Tout d’abord, les préparatifs avaient été écourtés au maximum pour éviter que des rumeurs quant aux raisons de son voyage ne se répandent trop rapidement. Officiellement, le prince devait présenter à la famille régnante elfique les salutations des Lyndorn, et discuter d’un approvisionnement en bois elfique pour construire des navires capables de faire face aux redoutables galères Isodiennes, ainsi que des nouveaux chars qui s’avéraient déjà prometteurs.
Officieusement, il était venu pour assurer Hyseth du soutien militaire et logistique de Noldan. Car malgré les apparences, le conflit qui opposait Isodia à Hyseth était une aubaine pour Erogor et Noldan d’étendre leur territoire. Si Isodia perdait, le Royaume de Noldan aurait tôt fait de s’emparer des terres. Au contraire, si Hyseth était défait, l’Empire d’Erogor ferait main-basse sur les forêts elfes.
Néanmoins, Noldan avait tout à gagner en restant discret. Un conflit ouvert avec Isodia entraînerait un engrenage des alliances, et l’intervention d’Erogor à coup sûr, ce qui s’avérerait désastreux. Et Noldan n’était pas encore prêt à se mesurer aux troupes Erogoriennes.

*Bientôt ... Bientôt tous pourront contempler la puissance Noldane. Mais pour l’heure …*

Majesté !

Interrompu dans ses réflexions, le prince se rembrunit de nouveau en voyant le capitaine du convoi se diriger vers lui :

Par pitié Wilhelm, dites moi qu’il s’agit de bonnes nouvelles.

Hélas Votre Majesté …

Soupirant, Allyster eut un sourire dépité :

Enfin, ce n’est pas comme si c’était une première. Que se passe-t-il cette fois ?

La roue d’un chariot vient de se briser.

Encore ! Ca fait déjà 3 fois ! Par l’Enfer, mais c’est une invasion de termites ?

Puis, ignorant la malchance qui semblait les avoir pris pour cible, le prince réfléchit.
Abandonner un chariot n’était pas dans ses habitudes, et l’idée de laisser sa cargaison en arrière lui répugnait. D’autant plus que par deux fois, des tribus d’orcs avaient essayé de les assièger, sans grande motivation fort heureusement.
D’un autre côté, ils avaient déjà perdu assez de temps, et il lui fallait gagner au plus vite le territoire d’Hyseth, et se tenir au courant de la situation précise, afin de finaliser ses plans. Selon la gravité de la situation, le prince choisirait la tactique adéquate, et était à peu près certain que celle-ci serait judicieuse. Décidément, il devait rallier la cité elfe le plus rapidement possible.
Comme pour le conforter dans son idée, le capitaine ajouta :

Le chariot transporte seulement du matériel destiné …à soutenir nos alliés. Rien de très important. Par ailleurs, il se trouve avec l’arrière-garde qui a reçu l’ordre d’attendre, au cas où. Je sais à quel point vous tenez à ce qu’on abandonne le moins possible les hommes et le matériel.

Fort bien. En ce cas, capitaine Leiden, donnez l’ordre que l’on double l’allure. J’aimerais arriver avant la nuit tombée.

Saluant, l’intéressé repartit en arrière donner les ordres, ne faisant pas remarquer au Prince que le Soleil n’était plus qu’un demi-disque descendant inexorablement dans l’horizon.
Pensif quant à la perspicacité du capitaine ainsi que son initiative, Allyster se dit que somme toute, malgré le manque d’entretien du matériel logistique, ses effectifs étaient irréprochables.
Son père, le roi, lui avait proposé une escorte « protocolaire » pour sa visite auprès de la famille royale d’Hyseth, une proposition qu’il avait aimablement décliné.
Le jeune homme sourit. Par protocolaire, son père sous-entendait un Escadron de la Garde Royale, c’est-à dire 75 Unicornes armés de deux sabres à lame dentelée, considérés comme faisant partie de l’élite Noldane, une Fraction de Porte-Boucliers (30 hommes, dont une moitié équipée de boucliers de près de deux mètres, l’autre moitié munie de lances lourdes), redoutables contre des cavaliers, ainsi qu’une Compagnie comptant 255 officiers de tous bords, provenant tout droit de la garnison du Palais Royal. A tout ce monde s’ajoutait le Bataillon de Marche ordinaire, les civils chargés d’approvisionner les soldats, et bien sûr, les chariots nécessaires au transport de tout le matériel adéquat, ce qui représenterait l’équivalent d’un huitième des effectifs de l’armée Noldane, et presque quatre fois plus que le nombre d’hommes qu’il avait choisis pour l’expédition.
Nul doute qu’il n’aurait rencontré aucune résistance avec une armée pareille. Mais le temps de préparation et la discrétion en auraient pâti.
Les soldats sélectionnés par ses soins étaient loyaux, efficaces, discrets, et surtout, disciplinés, ce qui était chose rare proche de la capitale, une autre raison pour laquelle Allyster affectionnait le cadre apaisant du Palais des Crépuscules. Il préférait mille fois être entouré de cent de ses soldats personnels plutôt que 500 hommes de son père. Non pas qu’ils n’étaient pas qualifiés, mais ils ne le connaissaient tout simplement pas, et n’étaient pas habitués à sa manière de commander, comme l’était le Capitaine Leiden par exemple.
Ainsi était-il, en train de réfléchir aux nombreuses qualités de ses effectifs, lorsqu’un officier vint le trouver. A ses galons, il s’agissait d’un sergent de la cavalerie, pourtant, Allyster ne se souvenait pas de son nom. Il devait avoir affecté récemment.

Sergent Flint au rapport Majesté.

Flint. Alors qu’il l’observait, le prince nota mentalement son nom, une habitude qui était plutôt bien vue par ses hommes. A l’expression de celui-ci, Allyster sut que de nouveaux ennuis étaient en perspective.

Eh bien Sergent, j’imagine que vous avez quelque chose à dire ?

Euh, oui Majesté. L’avant-garde se trouve à moins d’un kilomètre de Valendra, et a rencontré une délégation qui refuse de les laisser entrer.

Une nouvelle peu surprenante en ces jours de tension. Il n’y avait nul besoin de venir me voir.

C’est que …

Oui ?

C’est le Lieutenant Kreigen qui dirige l’avant-garde, et au moment où je les ai quittés, il semblait peu propice à adopter un comportement diplomatique.

Allyster soupira. Il avait oublié que suite à l’insistance de son père, il avait accepté de prendre un détachement de la Garnison Royale. Le Lieutenant Kreigen était un homme loyal, un peu rude, et déterminé. L’exemple même de l’officier d’armée. Le problème était qu’il avait souvent tendance à trop se comporter comme un militaire, faisant fit du protocole. Et le connaissant, le prince craignait que les tensions s’alourdissent. Aussi mit-il son cheval au galop, accompagné par les gardes de sa protection rapprochée. Il regretta l’absence de son loyal garde personnel. Alistair aurait sûrement pu démêler la situation sans son intervention. Malheureusement, le prince lui avait confié l’intendance du Palais, seul homme qui eut sa confiance et assez d’autorité pour pouvoir s’en occuper avec le maître de cérémonie.
Alors qu’il n’était plus qu’à 50 mètres, Allyster reconnut la voix du lieutenant, et remarqua que ses craintes étaient fondées. L’officier semblait à deux doigts de dégainer son épée pour passer :

Je vous dis que je fais partie de la Garnison Royale de Noldan, et que j’accompagne le Prince de Lyndorn pour des négociations avec les Elfes !

Prince ou pas Prince, les ordres sont les ordres, et Dame Lanval nous a dit qu’il était hors de question qu’une armée se présente à ses portes sur le pied de guerre. Il vous faudra camper ici-même. Nos commerçants se feront un plaisir de subvenir à vos besoins à un taux correct, mais aucun soldat ne franchira les portes sans autorisation.

Et il en sera ainsi, je vous l’assure.

Mais, Majesté …

Posant pied à terre, le prince et son escorte saluèrent la délégation de Valendra.

Pardonnez la rudesse toute militaire du Lieutenant Kreigen, Messire ?

Matthews. Je suis le chargé protocolaire de Dame Lanval. Et à qui ai-je l’honneur ?

Le Capitaine Leiden, qui s’était joint au Prince, répondit à sa place :

Prince Héritier Allyster de Lyndorn, Seigneur du Fief du Crépuscule, fils du Roi de Noldan.

Pardonnez-moi Majesté. Je vais tout de suite envoyer un coursier pour solliciter une audience auprès de Dame Lanval.

Ce ne sera pas la peine Matthews.

Se retournant, le Prince eut la vision d’une femme superbe, aux charmes ineffables, et à la prestance digne de la plus haute noblesse. Sa chevelure sombre et ondulée était parsemée de reflets bleutés qui rehaussaient sa beauté.
Pourtant, quelque chose dans sa façon de chevaucher la rendait attrayante aux yeux d’Allyster. C’était comme si elle était en parfaite harmonie avec sa monture. En sautant de selle, la jeune femme se rétablit avec grâce et sans aucune aide. Sa démarche, fière, était assurée, autoritaire, sans être dénuée de charme et d’une certaine manière, de sensualité.
C’est alors que le prince compris : la demoiselle Lanval et lui partageait la même éducation aristocrate, tout en conservant cette facette mystérieuse, presque sauvage, propre aux vallées calmes et reculées.
Alors qu’il la dévisageait, Allyster remarqua que son visage était d’une extrême beauté, fin et délicat, tandis que ses yeux, en amande, étaient très expressifs. Ses lèvres, qui devaient sans nul doute être douces, formulaient des mots :

Seigneur de Lyndorn ?

Remarquant que la jeune femme s’était adressée à lui, le prince se ressaisit comme il put :

Veuillez m’excuser, j’ai eu un instant d’absence. Vous disiez ?