On dit parfois qu'une ville est le reflet de ses habitants.
Pour Eldacre du moins, l'adage se vérifiait: simple et chaleureux, ouvert et légèrement rustique, le hameau semblait avoir été construit à l'image de ses résidents.
Originellement fondée afin de constituer un point de passage entre les territoires côtiers et les terres intérieures, la ville devait principalement accueillir les voyageurs et les marchands, pourvoir à leur ravitaillement, et les loger le cas échéant.
Le maître architecte et chef de chantier qui était responsable des travaux avait servi dans l'armée afin de se charger de la logistique. Par conséquent, il était averti des besoins en ressources des futurs habitants, et imagina les plans de la ville en terme de fonctionnalité et de confort pratique avant de s'occuper de l'esthétique.
Pourtant, ce qui sur le papier aurait pu ressembler à une cité spartiate, efficace jusqu'à sa dernière pierre, s'avéra être un village tout à fait charmant.
Les fondations furent posées à quelques lieues à peine d'une forêt et non loin d'une rivière qui coulait à proximité, afin de subvenir d'abord aux nécessités du chantier, puis à ceux des riverains par la suite.
Ainsi, l'expansion du village serait facilitée par les ressources avoisinantes.
Et celle-ci ne tarda pas à arriver, conformément aux prévisions.
Les premiers à venir s'installer furent sans surprise des commerçants. Taverniers, aubergistes, la ville vit également ses premiers palefreniers et des maréchaux ferrants, grâce à l'aménagement d'une écurie publique au quartier nord, là où on avait détourné la rivière. On pouvait y loger une cinquantaine de montures, provenant des caravanes et de leurs gardes.
Rapidement, les artisans les imitèrent: les menuisiers et les forgerons furent séduits par les matières premières qu'apportait la ville, à savoir bois et eau fraîche. Bientôt, on vit même quelques orfèvres installer timidement leur demeure.
Puis ce fut le tour de citoyens ordinaires: de nombreux jeunes couples vinrent s'établir dans la nouvelle ville, s'ajoutant aux familles des commerçants et artisans. Eldacre connaissait une popularité grandissante.
Deux ans après sa construction, le village comptait près de 1000 âmes. Trois ans plus tard, ce chiffre avait quadruplé.
Des dalles furent posées sur les avenues principales, les écuries déplacées, et une grande fontaine publique fut érigée à leur ancienne place, en l'honneur de l'architecte fondateur et désormais maire de la ville.
Grand luxe pour l'époque, des bains furent construits, et encore plus révolutionnaire, des égouts furent aménagés, évitant à la ville de nombreux cas d'épidémie.
De nouveaux habitants affluaient chaque jour, et la ville connaissait une prospérité proprement spectaculaire.
Plus particulièrement, la ville était réputée pour ses forgerons. Des rumeurs couraient, et certains prétendaient que les lames d'Eldacre étaient parmi les plus tranchantes et solides, en raison de la poussière de diamant que charriait l'eau de la source utilisée lors du trempage de l'acier. Il est plus probable que la présence miraculeuse de ce matériau précieux soit due aux forgerons eux-mêmes, soutenus par les caisses de la ville.
Quoiqu'il en soit, la stabilité économique de la petite cité connut progressivement une réputation non exagérée.
A tel point qu'Eldacre attira inévitablement les bandits et bandes de hors-la-loi. Principalement commerçante, la ville ne disposait à peine que d'une centaine de miliciens, et fut plusieurs fois mise à sac par des razzias et raids qui l'avait prise pour cible.
Il fallut se résoudre à dresser un mur d'enceinte et former quelques archers afin de protéger la ville.
Aujourd'hui, le hameau d'Eldacre est devenu une grande cité, qui n'a pas pour autant perdu de sa simplicité ou de sa chaleur. Sa proximité avec la nature environnante n'y est probablement pas étrangère.
Car il faut savoir qu'au cours des années, la forêt d'Eldacre a peu à peu été assimilée en même temps qu'elle était exploitée, les ressources profitant à la perpétuelle croissance de la ville. Réduit à l'état d'une modeste clairière, le bois aux souhaits, ainsi communément appelé par les habitants, se trouve presque au centre de la ville. Commodité pour les autochtones, il s'agit d'une véritable attraction touristique pour les visiteurs de passage.
Chênes, érables, pins et marronniers peuplent la clairière ainsi que de nombreuses espèces de fleurs et d'arbustes. Le promeneur chanceux aura même l'occasion d'apercevoir quelques lapins ou renards, et moins rarement, quelques oiseaux au fier plumage parmi les frondaisons verdoyantes. Parcourue d'allées jonchées de bancs, et comptant quelques belvédères propices à la détente et aux rencontres, la clairière est en fait semblable à un immense parc où la nature aurait tous les droits, et également un reuge pour les couples romantiques. Par conséquent, l'air de la cité est d'une pureté rare pour une ville de cette taille, ayant probablement un lien avec l'absence notable de troubles, et la gaieté des habitants.
Quant au reste, Eldacre est une ville assez ordinaire: tavernes à profusion, étals et diverses boutiques parcourent ses rues, et ne présentent aucune particularité remarquable, s'y l'on ne fait pas mention du prix uniforme de toutes les marchandises. La compétition n'est pas réellement présente, et pour cause: tous les habitants de ce village aux vastes proportions se connaissent et n'ont aucune inimitié notable.
Les orfèvres œuvrant sont spécialisés dans la confection de broches et de bijoux rendant hommage à la Nature: loups, renards, faons et ours sont des figures appréciées et largement répandues.
Enfin, si les menuisiers et autres artisans du bois d'Eldacre sont assez talentueux, ce sont surtout les armureries de la ville qui attirent l'attention. Les armes qui s'y trouvent: épées, haches, lances sont d'une qualité rare. Pratiquement toutes les lames se trouvant dans la cité sont fabriquées sur place, et portent la marque de fabrique des forgerons eldorins: une feuille de chêne frappée d'un "e" stylisé.
Cette anecdote constitue un fait intéressant, quand on sait que les soldats formés dans l'unique caserne de la ville sont pour la plupart des archers devannt tenir à distance les agresseurs des murs extérieurs.
Ven 19 Juin 2009 - 20:09